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"On n'est pas sérieux quand on a 17 ans".
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22 février 2012

Lettre à Vladimir.

(J'ai rédigé cette lettre à l'automne dernier. Je ne suis pas Zola, et donc incapable d'écrire un article tel J'accuse. Je n'ai pas la légitimité de Stéphane Hessel, écrire un feuillet tel Indignez-vous n'aurait eu que peu d'intérêt. Pourtant, j'ai entrepris d'écrire ma vision de la France tout en m'adressant à mon petit frère, Vladimir, 2 ans. J'espère avoir pu présenter une vision plus ou moins complète de l'état de notre pays à l'heure où je me trouve à la sortie de l'adolescence. 

Cette lettre, je l'ai envoyé à chacun des candidats à la présidentielle. Certains ont pris la peine de me répondre : Nathalie Arthaux,  Hervé Morin, François Hollande et François Bayrou. Je publierai prochainement le contenu de leurs réponses.)


Mon très cher petit frère,

 

Nous sommes le 10 décembre 2011, il est 18h46. Je suis fatigué. Les journées de cours de ma terminale ES commencent à se faire de plus en plus longues. Vivement les vacances ! Heureusement, elles se profilent à l'horizon. Toi, tu as deux ans, tu fais plein de petites bêtises et tu as une énergie que je t'envie. Nous sommes très complices. C'est quelque chose de très important pour moi… Voir ton sourire malicieux, espiègle et joueur.

J'ai besoin d'écrire à quelqu'un. Tu sembles la personne tout indiquée. Pourtant, tu ne seras pas à même de comprendre les angoisses dont je compte te faire part avant longtemps. Des angoisses, oui, car je vis dans une époque remplie d'incertitude. J’aimerais par cette lettre prendre un peu de recul et te montrer ce que je pense de la France, celle de mon adolescence. Je vais garder cette lettre, pour te la donner dans quinze ans, lorsque tu auras l'âge que j'ai aujourd'hui.

Cette lettre est l'occasion d’exprimer mes convictions profondes. Je veux les partager avec toi, petit frère.

 

Tu grandis tellement vite. Tu finiras par atteindre l'adolescence et le début des difficultés. J'espère que celles-ci seront moins importantes pour toi que celles auxquelles je suis confronté. Crois-moi, être jeune en 2011, ce n'est pas simple. On nous demande de plus en plus. De suivre des études plus longues, plus difficiles. De parler plusieurs langues étrangères. De faire son devoir citoyen. De trouver notre place dans la société. D’ailleurs dans quel état est-elle, notre société ? Un marché de l'emploi où les jeunes peinent à entrer, une situation économique difficile, un système politique où la jeunesse est sous-représentée, une planète à l'agonie, des conflits à l'échelle mondiale... Notre génération est la première qui vivra moins bien que nos parents. Cela m'énerve et m'attriste à la fois. Comment peut-on nous léguer un monde dans cet état ?

 

Nous écoute t-on ? Non. Nous sommes souvent considérés comme « jeunes et cons », irresponsables ou encore inaptes à donner notre opinion. « La jeunesse a cela de beau qu'elle peut admirer sans comprendre » écrivait Anatole France. Je trouve que c'est avoir un point de vue plus que réducteur de cette période de la vie. Nous comprenons le monde, non pas davantage mais différemment. Nous avons conscience de ce qui nous attend, conscience du monde qui nous entoure, et conscience de notre possible influence sur celui-ci. Nous savons pour la grande majorité de quoi nous parlons lorsque nous décidons de nous exprimer personnellement. Nous avons un regard particulier et différent sur le monde. Nous grandissons aujourd'hui dans un monde de communication, où journaux, radio, télévision et internet font la part belle à la politique. Tu le sais bien petit frère, la télé est souvent allumée sur des émissions sérieuses qui ne te plaisent pas. Même jeunes, nous sommes capables de regarder ces émissions, de les comprendre, de nous forger une opinion, puis de la défendre. Nous avons notre mot à dire sur une société dans laquelle nous évoluons nous aussi.

 

J'ai 18 ans l'an prochain et je ne voudrais pas que tu soies confronté aux mêmes problèmes : chômage, précarité, mal-logement, éducation difficile... Tous ces fléaux nous frappent et nous semblons sans protection. Les inégalités vont croissant, le populisme gagne du terrain à chaque sondage, nos partis connaissent conflit après conflit... Ne serait-il pas temps de penser aux générations futures ? Comment les politiques entendent changer les choses pour vous, la génération d’après ? Comment agir aujourd'hui pour que demain le monde ne soit plus dans cette situation ? C’est un noble combat. Il me semble qu’il vaut la peine de le mener, de s'unir, d'innover et d'espérer.

 

Ah ! Oui. Tu dois l'étudier en cours d'Histoire ou d'Économie désormais, mais sache que notre pays est en proie à une grande psychose à l'heure où je t'écris : la faillite. Nous n'avons plus un rond. Nous le savons tous. Soit. Mais en même temps, le gouvernement fait plein de cadeaux aux plus favorisés (pour qu'il ne s'en aillent pas), taxe le pauvre, et diminue les subventions de tout ce qui pourrait faire repartir notre économie. D’autres politiques nous disent que la seule solution est de sortir de l'Union européenne. De fermer les frontières. De revenir au protectionnisme en somme. Pourquoi ? N' y a-t-il pas de meilleure solution ? A trop chercher les économies, n'allons-nous pas aboutir à une situation insupportable ? Les classes précaires sont celles qui ont le plus besoin d’un dispositif de justice sociale. S'attaquer à celui-ci, c'est s'attaquer aux plus faibles. Si nous mettons en place une politique 'à la Robin des Bois', prenant aux riches pour aider les pauvres, les privilégiés s'en iront à l'étranger nous dit-on. Est-ce le seul obstacle ? N'est-il pas également question de volonté politique ? N'y aurait-il pas moyen de répartir plus équitablement l'effort à fournir ?

 

Il est logique que les hommes qui nous représentent aient des aptitudes supérieures. Pour gouverner 60 millions d'âmes, c’est indispensable. Mais ils ont tout de même des comptes à nous rendre, un devoir moral envers leurs concitoyens. Je trouve qu'il est de notre droit, de notre devoir vis-à-vis de vous qui allez suivre, de le leur rappeler. Notre système économique est fondé sur le libéralisme et les marchés financiers, soit. Il est adopté par le monde entier et nous avons hérité de la globalisation une interdépendance qui nous lie à ce mode de fonctionnement. On avance ensemble ou on meurt tout seul... Économiquement parlant bien sûr. Il n'est donc pas question de virage à 180°. Le libéralisme peut être un bon régime si on le régule. Je pense simplement qu'il faut y insérer une dose de morale. J'espère que cela sera le cas, sinon tu vivras dans un monde encore plus détraqué que le mien. Presque tous les hommes politiques s'accordent à dire que l'Etat se doit d'intervenir. Plus qu'il ne le fait aujourd'hui, et en ayant davantage conscience des vies qui dépendent de son action. Sinon, dans quel monde vivras-tu ?

 

Nous avons la chance, en France, d'avoir un système éducatif public laïcet gratuit pour tous. Économiquement parlant, cela crée de la croissance, car c’est un investissement pour l'avenir. Socialement parlant, cela crée une cohésion entre tous. Humainement parlant, cette éducation forme des hommes et des femmes, des citoyens.Et pourtant, cette éducation, on la décrie, on la critique, on la dénigre. On en baisse chaque année le financement, pour se plaindre de son manque de résultats, de son coût, de son manque d'adaptation à la modernité... Tu seras sans doute confronté à ce qu'on appelle 'Évaluations' en classe de CE2. Il s'agit de tests de niveau en français et en maths que l'on fait passer à tous. Or, depuis des années, tous les journaux nous présentent systématiquement le même constat unanime et terrifiant : l'élève français ne sait plus lire, ne sait plus compter ! Notre école ne vaut rien à l'échelle mondiale... C'est l'apocalypse culturelle ! Mais qu'avons-nous fait pour l'éviter ? Nous avons supprimé des postes, supprimé des subventions, critiqué les fonctionnaires. Contradictoire, non ? Pour quelles raisons ? Comment justifier une telle logique ?

 

Quand tu es malade, tu vas chez le pédiatre. Tu es soigné correctement. J'espère que lorsque tu me liras, tu auras toujours cette chance. Mais j'en viens à en douter. Comme dans le cas de l'éducation, la santé est nécessaire mais les hôpitaux se voient chaque année obligés de fonctionner, encore et toujours, avec moins de fonds. On parvient à faire avec. Jusqu'à quand ? Verrons-nous la fin de l’accès aux soins pour tous, cette avancée majeure pour notre société ? C'est tout un système de protection envié dans le monde entier qui est sur le point de disparaître. Et cela m'inquiète.

 

Plus grave encore que cela... Sous l'effet du réchauffement climatique, nous sommes témoins d'inondations, de sécheresses, d'ouragans et de l'apparition des premiers émigrés climatiques. Les forêts reculent, les déserts s'étendent. Début 2011, le monde a été témoin de la catastrophe de Fukushima. A la suite d'un tremblement de terre, une centrale nucléaire a contaminé une région entière du Japon. Cela a poussé les pays du monde à s'interroger sur leur activité nucléaire. En France, on produit notre propre électricité. Question de prestige, d'indépendance et de fonds. Certaines centrales arrivent en fin de vie. Pourquoi alors ne pas tenter de développer davantage les énergies vertes ? Une transition trop brusque serait désastreuse, nous le savons. Est-ce pour autant une raison pour ne pas l'amorcer, tenter de diversifier notre source d'énergie ? Un accident aura t-il lieu avant ? Se poser cette question m'est insupportable. Quelle vision à long terme nos dirigeants futurs ont-ils ? Quand prendront-ils une décision ? Quand agiront-ils ?

 

En avril et mai prochain, aura lieu l’élection présidentielle. Il s'agit, selon la formule consacrée, de « la rencontre entre un homme (ou une femme) et le peuple ». Je souhaite beaucoup de courage à celui (ou celle) qui l’emportera. Les défis sont nombreux, mais passionnants. J'espère que le futur président saura fédérer autour de lui, répondre aux questions multiples que se pose le peuple et unir la population. Le dialogue démocratique doit être repris. Il en va de la santé de la politique en France.

Pour beaucoup d'entre nous, enfants de la crise comme on dit, la situation actuelle est incompatible avec le passé de notre pays. Comment la France est-elle tombée aussi bas ? Membre d'une Europe qui s'effondre, happée dans une crise qui nous noie, détruisant notre planète et notre régime politique envié durant des siècles ?

J'espère que le futur président saura relever le défi. Celui de reconstruire la France malmenée par la crise. Celui aussi de bouleverser les codes qui se sont progressivement installés... Il lui faudra expliquer comment ses décisions permettront d'améliorer le bien-être des générations futures. Les Français seront prêts à des sacrifices si on leur explique que la hausse d'impôt qu'ils subiront sauvera la Terre qu'ils lègueront à leur petits-enfants. Cette vision à long terme est aujourd'hui indispensable. Pour sauver votre génération avant qu'il ne soit trop tard. Le futur président de la République en aura-t-il le courage ? Jean Jaurès l'a définit ainsi : « Le courage, c'est aller à l'idéal et comprendre le réel ». J'espère que nos politiques appliqueront cette devise imposant le pragmatisme mais en ayant toujours pour objectif le progrès.

 

Mon petit frère, c'est un bien noir tableau que je t'ai dépeins ce soir. Malgré tout, l'espoir m'habite toujours. La France est un beau pays. Il demeure un pays d'égalité et de liberté, malgré tout ce que l'on peut entendre. Il reste un pays influent. Il est membre de l'Union Européenne qui, malgré ses dysfonctionnements, reste l'une des plus belles inventions intellectuelles. A sa création, imagines-tu le courage qu'il fallut aux français et aux allemands pour oublier les horreurs de la guerre et expliquer à leurs populations que le salut passait par l'union avec celui-qui avait été l'ennemi ? Quelle grandeur d'âme faut-il ? C'est ce courage que je veux chez notre prochain président. Je l'espère et crois à des lendemains meilleurs, plus proches de ce à quoi la France devrait ressembler.

 

Je me vois confronté à une situation étrange, celle d'étudier sans savoir à quoi cela me mènera, suivant des cours qui selon mes professeurs eux-mêmes ne sont pas adaptés au monde du travail, en visant une émancipation dans un monde qui s'effondre... Si j'écoute ce qu'on me dit, j'aurai aussi du mal à habiter seul parce que c'est trop cher, à rester marié parce qu'aujourd'hui on divorce de plus en plus, à avoir des enfants car j'aurai de graves maladies à cause des ondes, des OGM et de diverses substances... Comment vouloir grandir ? Comment vouloir se bouger ?C'est pourtant mon cas car j'ai décidé de faire confiance en celui ou celle que je choisirai. Selon moi, c'est seulement ainsi que ton monde sera en meilleur état que le mien.

 

Avec tout mon amour,

 

Théo.

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Commentaires
Z
Belle entreprise dans laquelle tu t'es lancé, Théo! Légitime désir que d'interpeller ces politiques pour leur faire part de la voix de la jeunesse, et la forme est très touchante. Les points sur lesquels tu t'arrêtes (comme l'enseignement) sont particulièrement intéressants. La lettre est très bien écrite, ce qui est tout à ton honneur aussi !<br /> <br /> C'est dommage que tu ne t'attardes pas plus sur des exemples personnels, parce que l'identité que tu fais apercevoir dans ta lettre fait une bonne part de sa force! Certes, tu deviens par cette lettre un porte parole de la jeunesse, mais il ne faut pas hésiter à te singulariser. Ce sont tes expériences qui légitiment et corroborent à la fois tes interrogations. <br /> <br /> Question points de vue, je partage ta vision des choses, toute étrangère que je sois (pas tant que ça). <br /> <br /> Une question toutefois: doit-on vraiment accuser les politiques des divorces fréquents, des OGM, des maladies? Pour ma part, je pense qu'on mystifie l'homme politique (ne devrait-on pas l'appeler l'humain politique? cela rétablirait un certain équilibre entre les sexes) un peu trop. Parce qu'aujourd'hui, si certains jeunes s'intéressent à la politique, prennent la peine de lire les programmes, ils portent souvent un espoir démesuré dans les candidats, qui rappelons-le, n'ont pas gagné le prix Nobel! Aujourd'hui (avec ce populisme ambiant dont tu parles), un jeune qui vote à gauche considère qu'il a fait sa bonne action du quinquennat... (j'exagère). Tout ça pour dire que les politiques, s'ils jouent un rôle prépondérant, ne sont pas responsables de la société. C'est aux scientifiques qu'il revient faire preuve d'éthique dans leur recherche, aux publicitaires de se responsabiliser quant aux valeurs qu'ils inculquent, aux philosophes de définir la morale.. en bref à la société d'agir ! Les verts ne remplaceront pas les associations qui relèvent des fonds pour conserver la forêt en Amazonie et voter pour les verts ne sauvera pas la banquise. <br /> <br /> <br /> <br /> En tout cas, je suis super fière d'avoir un cousin comme toi ! Si toute la jeunesse avait ton visage, la société irait bien mieux .. love !
"On n'est pas sérieux quand on a 17 ans".
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